L’Affaire Be Smith

En 2013, suite à une première enquête relative à des faits commis par eux en 2007, Mamadou et Kevin, deux copains d’enfance, sont mis sur écoute judiciaire. On ne sait toujours pas comment ils ont étés mis au courant qu’ils étaient “sur écoute” mais le fait est qu’ils ont essayé de s’y soustraire en utilisant des “burners”, téléphones jetables achetés sous le faux nom de “Be Smith”. Ce qui n’a pas empêché les enquêteurs de continuer à suivre leurs conversations. C’est le début de ce qui est devenu la très médiatique affaire “Be Smith”.


Se croyant à l’abri, Mamadou et Kevin utilisent cette ligne téléphonique qu’ils croient sûre pour préparer un mauvais coup, mauvais coup dans lequel ils veulent embarquer Mohamed, un ami commun. Il y a plusieurs conversations entre Mamadou et Kevin, conversations au cours desquelles ils se mettent d’accord sur la participation de Mohamed à leur projet puis plusieurs autres, au cours desquelles Kevin rapporte à Mamadou ses arrangements avec Mohamed.


Fin février 2014, le parquet ouvre une information judiciaire à l’encontre des trois amis pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime. Assistés par des ténors du barreau, de recours en demande d’expertises, nos trois compères font traîner la procédure et ce n’est qu’en mars 2018 que les juges d’instruction peuvent enfin renvoyer l’affaire en correctionnelle. Les trois amis utilisent à nouveau toutes les possibilités pour tenter d’entraver le cours judiciaire, y compris en déposant un dernier recours devant la Cour de cassation, mais en juin 2019, la Cour rend un jugement qui leur est défavorable.

Le procès s’ouvre le 23 novembre 2020 devant la 32e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris. Les magistrats du parquet requièrent quatre ans de prison, dont deux avec sursis. Le 1er mars 2021, en première instance, le tribunal reconnaît coupables les trois prévenus. Ils sont condamnés à trois ans de prison dont deux avec sursis. Le jugement précise que les peines sont aménageable avec une surveillance électronique à domicile. Les trois condamnés ont annoncé qu’ils faisaient appel de la décision, le parquet également, ouvrant ainsi la possibilité à la cour d’appel de prononcer une peine plus lourde qu’en première instance.


Mamadou s’exprime dès la semaine suivante dans les colonnes du Figaro ainsi qu’à la télévision, au journal de 20 sur TF1. Il s’insurge contre la façon dont il a été traité, juge les écoutes téléphoniques qui ont servi à le piéger illégales et déloyales, dans la mesure où il n’a pas été prévenu qu’il était visé par une enquête judiciaire. Il insiste sur le fait qu’il n’a pas pu mettre en œuvre le mauvais coup qu’il avait prévu de faire avec ses deux complices et que, par conséquent, il est parfaitement innocent de ce qu’on lui reproche. Mamadou prétend que les juges se sont acharné sur lui parce qu’ils sont racistes, il dit que ses droits de citoyens ont été violés et il prévient qu’il ira jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme si nécessaire.

Suite à cette condamnation, Mamadou a reçu les témoignages de sympathie et de solidarité de nombreuses personnalités de droite. Christian Jacob président des LR à réaffirmé son soutien le plus total au délinquant Mamadou et s’insurge de la sévérité des peines prononcées. Bruneau Retailleau, le “patron” des sénateurs LR, trouve que les choses sont allées trop sévèrement à l’encontre du délinquant Mamadou. Eric Ciotti, Gilles Platret, Renaud Muselier, Xavier Bertrand, Olivier Marleix, Annie Genevard, Agnes Evren, Christine Boutin, Marine Brenier, Nicolas Dupont-Aignan, tous élus de la République française, ont fait part de leur amitié indéfectible envers le délinquant Mamadou. Jusqu’au ministre de l’Intérieur, un poste où l’on est d’habitude moins indulgent à l’égard des délinquants, Gerard Darmanin, qui a réaffirmé tout son soutien au délinquant Mamadou.


Rassurez-vous, tout ceci n’est qu’une dystopie, une fiction grinçante. Dans la réalité, dès le début de cette histoire, Mamadou, Kevin et Mohamed, ont été placés en détention provisoire. Un an et trois mois plus tard, assistés par des avocats commis d’office qui ont assuré leur défense comme ils l’ont pu avec le peu de moyens qu’ils avaient, Mamadou, Kevin et Mohamed, ont été condamnés à quatre ans de prison dont un avec sursis sans possibilité d’aménagement de peine avec une surveillance électronique à domicile.


Vous pouvez dormir tranquilles, braves gens.

Non merci N°2

Ce n’est ni dans une uchronie, ni dans une dystopie collapsologique, non, c’est ici et maintenant. Pourtant ça y ressemble fortement, à une dystopie. Ça pourrait être le début d’un film catastrophe, les premiers chapitres d’un bouquin de Stephen King, genre « Le Fléau », mais non, ce n’est ni un film ni un roman, c’est ici et maintenant.

En entrant dans le métro parisien, ce matin. Une foule de regards suspicieux les uns des autres, des écharpes en travers des nez ou le groin enfoncé dans le col rabattu de la parka, et même, ci et là, des masques chirurgicaux. Ça m’emporte ailleurs, plus loin, avant, bientôt. Réchauffement climatique, fonte du permafrost, libération dans l’atmosphère hyper humide de la planète terre de multiples souches de virus de mammouths laineux, virus mortels dans la majorité des cas, peste noire arrivant à Marseille l’an de grâce mille-trois-cent-quarante-sept, pandémie de vache folle, choléra en Provence : « Le Hussard Sur Le Toit », etc. En plus, j’éternue et j’ai la goutte au nez, je vous laisse imaginer.

Pendant que je retrouve mon âme d’enfant, c’est-à-dire que je me trompe de direction au changement à « Invalides », la voix obsédante continue de faire de la réverb dans des couloirs. Toutes les trente secondes à peu près, retentissent dans les hauts parleurs des conseils de comportement pour éviter la propagation du coronavirus COVID-19. Et cette voix obsessionnelle de Grand Frère omnidirectionnel m’embarque en fiction, en cauchemar. On fait grand cas de « Mille Neuf Cent Quatre-Vingt-Quatre », à juste titre, mais avez-vous lu « Un Bonheur Insoutenable (this Perfect Day ) in english  » d’Ira Levin ? Non ? Vous devriez !

Le ton est peut-être très légèrement bienveillant, mais il est surtout froid, distant, neutre, blême et artificiel. Synthétique ? La voix inlassable continue d’égrener ses conseils, mouche-toi ci, mouche-toi là, tu vas te laver les mains, oui ? Rentré chez soi, on aura la même ritournelle, les mêmes conseils avisés, dans le journal pour ceux qui le lisent encore, dans le poste de TSF, sur la tablette ou sur le téléphone soit disant malin, dans la télévision aussi j’imagine, partout.

Et la dernière phrase de ce chapelet de conseil est la suivante : « Éternuer dans le pli de votre coude » Et là, déjà azimuté par l’ambiance pré-post-apocalyptique, c’est mon bon sens qui se rebelle. Quoi ? Comment ça, dans le pli de mon coude ? À l’éternuement suivant, timidement, j’essaye d’appliquer la consigne. Franchement, malgré toute ma bonne volonté, il m’est impossible de rapprocher mon nez à moins de dix ou quinze centimètres du pli de mon coude. Éternuer dans le pli de mon coude ? Mais ça ne va pas non ? Comme tout le monde me regarde avec insistance pendant que je fais ma gymnastique prophylactique, j’arrête sur-le-champ mes expériences.

Rentré chez moi, il y a Magali. Magali, c’est une très bonne amie, mais c’est aussi une super danseuse contemporaine. Plus souple qu’elle, tu coules par terre. Bon alors Magali ? Tu peux te mettre le nez dans le pli du coude, toi ? À priori, non, elle n’y arrive pas. C’est un peu plus convainquant que moi, mais elle n’a pas vraiment le nez au fond du pli, elle non plus. Ah si ! Ça y est, en s’aidant de l’autre bras pour pousser bien fort derrière ledit coude, elle y arrive. Mais ça ressemble plus à une prise de catch qu’à un truc qu’on peut faire en quatrième vitesse quand on est pris par un éternuement. Bon bref, c’est bien ce que j’avais intuissionné dans le métro, cette consigne est absolument absurde, baroque, insensée, ridicule, mais surtout inapplicable. D’ailleurs sur le site solidarité-santé du gouvernement, la seule photo qu’ils ont trouvée de quelqu’un avec le nez dans le coude, c’est celle d’un type qui pratique la boxe thaï, et il ne faut pas être grand clerc pour voir sur cette photo que si le type était en train d’éternuer, il en mettrait partout sur ses cuisses, son short et par terre devant ses pieds, mais pas tellement dans le pli de son coude. Mais dis donc ? Sur la photo, il a l’air d’être protégé par une sorte de bandage, le pli de son coude ? Ah bon? Il faut aussi installer une protection spéciale ? Une coudière absorbante ?

Je m’imagine de retour dans le métro. Au niveau du pli du coude, ma veste en cuir est recouverte de glaires et de mucus, (il n’y avait plus de coudière disponibles à la pharmacie) et ça goutte un peu par terre. D’ailleurs tout le monde dans la rame a les vêtements trempés au niveau des coudes à l’intérieur des bras, des grosses taches, humides, visqueuses, suintantes, dégueulasses et saturées de virulents virus.

Mais on va s’habituer. Les premiers jours, ça fait tout drôle et puis, peu à peu… Quand ils en seront à nous demander de faire les pieds au mur pour éviter de se salir nos chaussures, on le fera. Quand ils nous demanderons d’évaluer nos voisins pour éviter les risques de dissidence on le …. Heu ? Non ! Ça, on le fait déjà. J’ai l’impression d’avoir la certitude que un, ils prennent leur délires d’énarques pour des traits de génie, et que deux, en plus d’être incompétents ils n’ont aucune considération pour le peuple qui les a malencontreusement placés aux postes de responsabilité.

  • En France
  • Morts du tabac plus ou moins 200 par jour
  • Morts de l’alcool plus ou moins 125 par jour
  • Morts de la grippe plus ou moins 20 par jour
  • Morts de la voiture plus ou moins 10 par jour
  • ETC.

Pendant ce temps-là, peu à peu, pas tous mais la plupart, nous nous habituons aux violences policières, nous nous habituons à l’ubérisation du travail, nous nous habituons à l’inaction face au réchauffement et face à l’extinction, nous nous habituons à la violence néolibérale. Pendant ce temps là, sans rire, ils nous demandent d’éternuer dans nos coudes et nous sommes terrorisés.