La trêve des confineurs N°1

Oui, je sais, j’aurais du, mais je n’ai pas. Tant de choses à dire pourtant pendant ces huit semaines de confinement et les quelques autres de déconfinement qui ont suivi.

Des choses personelles, la privation de liberté, puis la sensation de confort une fois installé dans le ronron, presque le bonheur, ne serait-ce cette lancinante écatombe, ce décompte quotidien de morts et de mourants, au nombre desquels on sera peut-être demain, des videos, encore des vidéos, un bonheur éteint, sans reliefs, un bonheur gris, une bonne dose de tranquilisant, un bonheur abruti, à bas régime, un bonheur sans joie, et sans extase non plus, des séries, des séries, encore des séries, du travail manuel, de la couture, du rempaillage, nettoyage de la cour… Et cette conscience satisfaite et coupable d’être un privilégié dans une grande maison avec une cour.

Mais ces trucs personnels, ces trucs que tout un chacun affiche chaque jour avec un brin de narcissisme (un gros brin souvent) sur face-book, ces trucs-là, ce n’est pas ce dont j’avais souhaité parler ici. Non, dans l’espace quasi-domestique de ce petit blog et de son cercle confidentiel d’abonnés, j’avais souhaité réagir aux abus et perversions de langage de notre classe dirigeante. Tout d’abord à ma propre intention, las de récriminer en mon fors intérieur et histoire de m’en expurger, je voulais donner une issue à ces ruminations que j’ai, expulser cette colère qui me prend quand je vois qu’on essaye de me gruger, de m’entourlouper, de me mentir sans vergogne, de manipuler le langage et la vérité, bref de me prendre pour un con. Surtout venant de la part de ceux que le peuple a placés là où ils sont et qui devraient pratiquer la plus grande des honnêtetés intellectuelle ne serait-ce que par égard pour le dit peuple et pour les dites fonctions bref, qui devraient se comporter en citoyens exemplaires, vive la République ! Puis aussi à l’intention de ceux qui voudraient bien me lire, s’il y en a (si, il y en a), par habitude d’avoir quelques retours positifs et parfois enthousiastes de la part de ceux à qui je soumets mes écritures et, sans doute par prétention, persuadé d’avoir quelque chose à dire que moi seul peut prononcer.

Sans Paroles

Mais la pandémie m’a cloué le bec. Après une hystérie d’informations contradictoires, grippette pas grippette, masque pas masque, Raoult pas Raoult, pangolin pas pangolin, il faudrait faire comme en Allemagne, comme à Singapour, comme en Corée, Taïwan etc., chloroquine pas chloroquine, j’ai décidé que je ne pouvais pas me faire une idée raisonnable de ce qui était en train de ce passer. Ma stratégie intellectuelle à dès lors consisté à me rappeler quotidiennement que je n’en pourrais rien en savoir de bien certain. À part quelques poussées de bon sens tout de même, comme à l’écoute radiophonique de ce message particulièrement réussi : « Si vous toussez et que vous avez de la fièvre, vous êtes peut être malade », dans lequel la pensée énarquienne se prend les pieds dans sa propre complexité et, tirée à hue et à dia par des objectifs incompatibles, alerter sans trop inquiéter j’imagine, dans ce cas, atteint, comme bien souvent, des sommets d’absurdité et de poésie involontaire. Bref à part ces sursauts irrépressibles de scepticisme, je me suis cantonné à ma résolution de ne rien savoir.

Il s’en est suivi que j’ai étendu cette incapacité à se faire une idée juste de la situation à nos gouvernants et, pour une fois, décidé de les laisser tranquilles pour gérer la crise. Pas que mon blog ait jamais mis de bâtons dans les roues de leurs engrenages auparavant. Mais sait-on jamais ? Pas non plus qu’ils aient manqué beaucoup d’occasions de mentir, d’hypocriser, de manipuler, de litotiser, de louvoyer, d’autocontredire du jour au lendemain, voire du matin au soir, mais bon, voilà, j’ai décidé de laisser mon blog en suspend au temps du choléra.

Mais maintenant qu’ils ont rouvert les restaurants, je m’y recolle. J’ouvre à nouveau toute grandes les vannes de ma pas si mauvaise foi. À très bientôt donc et merci de me lire.

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