Novlangue et enfumage N°4

Quand j’étais à la Grande École, il y avait cette blague qui disait qu’on ne pouvait pas être à la fois gaulliste, sincère et intelligent. On est en droit de se poser la même question maintenant. Emmanuel Macron est-il complètement idiot (et sincère) ou bien est-il hypocrite et manipulateur ? Car comment croire qu’une personne si bien éduquée puisse sortir de telles âneries ? Il vient seulement de découvrir que l’État-Providence est un bien précieux ? Que certains biens et services ne doivent pas être confiés aux forces du marché ? Que ce serait même folie de le faire ? Argl, on s’en étranglerait presque de rage, vu que ça fait trente ans que lui, ses prédescesseurs, ses aieux et ses maitres, bref tous les gens de son accabit, n’ont cessé de prétendre le contraire à force d’arguments biaisés et n’on eut de répis pour mettre à bas ce fameux État-Providence à coup de dérégulations, privatisations, réformes, libéralisations et autres «modernisations » inévitables selon eux.

La main invisible du marché , la destruction créatrice, le ruissellement des richesses, l’efficience des marchés, l’impôt comme spoliation, l’État parasite, les inégalités sociales vue comme une donnée naturelle et indépassable, le darwinisme pour les nuls, la croyance que la seule motivation des être humain est la maximalisation de leur profit matériel, le refus de considérer dans les calculs les coûts externes des activités idustrielles, la privatisation des profits et la mutualisation des pertes, l’accaparement insatiable des revenus du travail, et j’en passe, comme exemples d’idées absurdes et souvent enfantines une fois déshabillées de leur technicité en trompe l’œil. Des enfants insatiables qui veulent encore des bonbons.

Bref, comment peuvent-ils croire à ces sornettes ? Cela me dépasse et j’en viens souvent à me dire que si, finalement, ils sont peut-être seulement complètement cons. Mais en y regardant de plus près, il y a dans cet extrait de discours quelques indices de ce qu’Emmanuel Macron est sans doute encore en train de nous enfariner.

COUCOU !

L’adresse aux français.

Mes chers compatriotes, il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties. Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre Etat-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d’autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle, construire plus encore que nous ne le faisons déjà une France, une Europe souveraine, une France et une Europe qui tiennent fermement leur destin en main. Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens. Je les assumerai.

Comme l’a si bien remarqué François Ruffin, il y a cet usage de la forme passive dans le passage suivant : « Le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies. » Un usage dont Emanuel Macron est coutumier. On dirait presque que c’est le monde tout seul, de sa propre initiative, qui s’est engagé dans un certain modèle de développement, un modèle abstrait, sorti du monde pur des idéaux platoniciens, sans doute ; un modèle que le monde aurait choisi à son bon vouloir, spontanément. Emmanuel Macron n’y est pour rien, lui et les siens, ah ben non ! Même s’il est bête à manger du foin, il doit bien savoir qu’il y est quand même un peu pour quelque chose, dans l’engagement du monde dans ce modèle pourri.

Et puis il y a cette contradiction : « Nous devons en reprendre le contrôle, construire plus encore que nous ne le faisons déjà. » Il faudrait savoir Emmanuel Macron ? Tu as perdu le contrôle de la situation ou bien, tu es déjà en train d’agir dans la bonne direction ? Moi j’ai plutôt l’impression que ça dérape dur sur la plaque de coronavirus. Ce dont je suis sûr, c’est que c’est un exemple canonique de rhétorique à visée d’enfumage. On dit deux choses opposées ou contradictoires dans le même énoncé et c’est celui qui écoute qui est chat ! C’est, en mode doucereux, la fameuse injonction contradictoire qu’infligent les pervers à leurs martyrs.

Et pour finir, car je n’ai pas que ça à faire, il faut aussi que je m’occupe de mon confinement douillet, il y a ce magnifique : « Il nous faudra demain … interroger les faiblesses de nos démocraties ». Alors là ! Bravo ! Pour un président jupitérien, ça te la pose bien, la posture du sage bienveillant qui se penche sur le sort de la démocratie. Mais Emmanuel Macron, les faiblesses de nos démocraties, tu y as largement contribué. Surdité absolue vis à vis des corps intermédiaires, verrouillage de ta majorité parlementaire, refus de prendre en compte les innombrables appels au secours de la part de ceux dont, justement aujourd’hui, nous avons le plus grand besoin, morgue constante, arrogance de nanti vis à vis des plus démunis, dédain et moqueries pour le peuple, utilisation inouie de la violence policière vis à vis des manifestants quels qu’ils soient, chômeurs, gillets jaunes, infirmiers, vieilles dames, handicapés, pompiers, femmes… Et tu trouves que notre démocratie s’est affaiblie ?

tout compte fait, je me demande si tu ne serais pas à la fois idiot et hypocrite ? Et moi, vieil anar, tu en viendrais presque à me faire regretter le Général de mon enfance. Tu te rends compte?

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